1. « Peuchère » : l’emblème marseillais de la compassion

Impossible d’évoquer les expressions marseillaises sans commencer par la fameuse « Peuchère ! ». Ce mot, souvent prononcé avec un soupir quelque peu dramatique, signifie « pauvre de lui » ou exprime la commisération, la tendre moquerie, voire une simple exclamation bienveillante.

Son origine remonte au provençal « Pequeira » ou « Pechero », qui veut dire « misérable » ou « pauvre » dans le sens affectueux. Autrefois, cette expression était surtout utilisée dans les campagnes : on disait « peuchère » pour compatir à un malheur, même modeste, comme un retard de récolte ou une chute dans la boue ! Aujourd’hui, elle s’est généralisée dans toute la cité phocéenne et s’emploie à toutes les sauces, une manière marseillaise de compatir sans trop de sérieux.

2. « Oh fan ! » : L’expression de toutes les émotions

Prononcée parfois avec des variantes comme « Oh fan de chichourle ! » (si, si, ça existe), cette exclamation est l’une des plus emblématiques de Marseille. « Oh fan ! » exprime l’étonnement, l’incrédulité, ou même l’exaspération.

Ses racines se situent dans l’occitan « fan » ou « fanà », qui signifie littéralement « fagot de bois ». Si le lien avec le sens actuel nous échappe un peu, cette expression est surtout une interjection typique, qui illustre l’exubérance verbale des Marseillais. Selon l’intonation employée, elle peut traduire tout un panel d’émotions allant de l’émerveillement (« Oh fan, le ciel est trop beau aujourd’hui ! ») à la colère dissimulée (« Oh fan, je vais finir par péter un câble ! »).

3. « Vaï, vaï ! » : entre encouragement et désinvolture

Rien de plus marseillais que ce double « vaï » ! Tantôt utilisé comme une réplique pleine d’énergie ou d’enthousiasme (« Allez, vaï, on y va ! »), tantôt comme une expression désinvolte ou sarcastique (« Vaï, raconte toujours… »), cette locution typique traduit parfaitement l’esprit marseillais : vif, malicieux et plein de malice.

Le terme vient directement de l’italien « vai » (de l’impératif du verbe « aller »), une preuve indiscutable de l’influence transalpine dans la culture provençale, renforcée par les échanges commerciaux et humains constants entre Marseille et l’Italie, notamment depuis les grandes vagues migratoires du XIXᵉ siècle.

4. « Être fada » : La douce folie marseillaise

Si on vous dit que vous êtes « fada » à Marseille, ce n’est pas forcément une insulte. Loin de là ! Être fada, c’est être un peu fou, mais au sens affectueux : quelqu’un d’excentrique, d’un peu différent, qui illumine le quotidien. Ce mot est d’ailleurs régulièrement employé dans le cadre familial ou amical.

Son origine est issue du mot occitan « fada », qui désingue à la fois une « fée » et une personne ensorcelée par les fées. Autrement dit, quelqu’un qui serait habité de cette douce magie qui échappe au monde rationnel. Un mot parfait pour décrire l’ambiance unique et chaleureuse de la ville.

5. « Il me fatigue » : un art de l’exagération

Quand un Marseillais dit « Il me fatigue », il ne s’agit pas de simples courbatures ou d’un excès de sport. Non, c’est un euphémisme pour exprimer qu’une personne, une situation ou même le simple bruit environnant lui a prodigieusement cassé les pieds. Et bien sûr, ce n’est jamais dit sans un soupçon de théâtralité.

Là encore, nous retrouvons l’esprit marseillais dans tout ce qu’il a de plus vivant : exagérer un détail insignifiant pour en faire toute une mise en scène. Une particularité qui illustre combien les Marseillais jouent avec leur langue comme avec leurs émotions.

6. « Faire caguer » : quand la patience a ses limites

Un autre grand favori du dictionnaire marseillais : « faire caguer ». Cela signifie ennuyer sérieusement ou agacer profondément. Et parfois, vous pourriez entendre une variante encore plus marseillaise : « Tu m’as fait monter la moutarde au nez !»

Le verbe « caguer » tire sa racine du patois provençal « cagar ». Une tournure bien imagée qui ne demande pas vraiment d’explications pour comprendre l’agacement qu’elle traduit. Qu’on se rassure, elle est surtout utilisée de manière humoristique, car à Marseille, on vous aiguise toujours un sourire même dans les reproches.

7. « Tirer une cagade » : la maladresse mise à l’honneur

Pas de lexique marseillais sans évoquer la fameuse « cagade » ! Loin d’être vulgaire, cette expression sert à décrire une bêtise ou une maladresse, souvent avec cette part d’autodérision si propre à la ville.

Typiquement employé pour désigner une action ratée ou méliorativement exagérée, on pourrait l’entendre sur le terrain de pétanque : « Oh fan, t’as tiré une vraie cagade là ! ». Impossible alors de bouder, car la cagade, c’est aussi une façon de dédramatiser ses échecs.

8. Pourquoi ces expressions fascinent-elles autant ?

Les expressions marseillaises sont bien plus que de simples tournures linguistiques. Elles reflètent l’âme d’un peuple : un cocktail explosif de chaleur humaine, d’humour et de théâtralité. Si elles amusent énormément les visiteurs et font la fierté des Marseillais, elles sont aussi un hymne à la diversité et à la richesse des influences historiques de la ville.

Qu’il s’agisse de traces occitanes, d’emprunts italiens ou d’innovations purement populaires, la langue marseillaise témoigne de l’incroyable mélange culturel qui règne dans cette ville portuaire depuis des siècles. Un mélange encore nourri aujourd’hui par les habitants multiculturels qui cohabitent joyeusement dans la Cité phocéenne.

Une invitation à adopter le parler marseillais

La langue marseillaise n’a pas fini de nous étonner. De la poésie du quotidien jusque dans les éclats de voix énergiques, chaque expression raconte une histoire, une émotion ou un sourire. Alors, la prochaine fois que vous entendrez un « Oh fan ! » ou un « Peuchère » résonner dans les rues du Panier ou sur la Canebière, vous saurez que ce n’est pas qu’un mot : c’est toute une culture qui parle.

Et qui sait, peut-être repartirez-vous avec votre propre expression fétiche, prêt à ajouter une pincée de Marseille à votre quotidien ?

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