La cigale : Symbole sonore inimitable de l’été en Provence

Si tout le monde connaît le son produit par la cigale, peu de personnes savent réellement qui se cache derrière ce concert d’été. La cigale est un insecte hémiptère appartenant à la famille des Cicadidae. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, on trouve des cigales un peu partout dans le monde : il en existe près de 4 000 espèces répertoriées, dont 20 en France. Celles qui peuplent la Provence et enchantent nos étés appartiennent principalement à l’espèce Cicada orni, la plus fréquente dans le sud-est.

Leur célèbre "chant" est en réalité produit par les mâles. Ces derniers utilisent des membranes appelées tymbales, situées sur leur abdomen, qu’ils contractent et relâchent rapidement pour générer ce son typique. Ce n’est donc pas un cri, mais un mécanisme acoustique unique créé pour attirer les femelles. Ce "concert" peut parfois atteindre des niveaux sonores impressionnants, allant jusqu’à 90 décibels, soit l’équivalent d’une tondeuse à gazon !

Comment, alors, la cigale en est-elle venue à incarner si puissamment la Provence ? Cet attachement remonte bien au-delà des clichés modernes, avec des racines profondément ancrées dans l’histoire et la culture locale.

Un favori de l’Antiquité

Les cigales étaient déjà célébrées par les anciens Grecs et Romains. Pour les premiers, elles représentaient la simplicité, la vie en harmonie avec la nature, mais aussi une certaine idée de l’immortalité. Homère parle d’ailleurs de la cigale dans ses œuvres. Les Romains, quant à eux, considéraient son chant comme un signe annonciateur d’un été prospère et porteur d’abondance.

Littérature et folklore provençal

En Provence, la cigale s’est lentement infiltrée dans l’imaginaire collectif grâce à la riche tradition orale et écrite de la région. Jean-Henri Fabre, célèbre naturaliste provençal du XIXe siècle, a notamment dédié plusieurs pages passionnées à cet insecte dans ses écrits. Par ailleurs, la cigale s’est arrachée à l’ombre pour devenir un symbole culturel grâce à des légendes locales et à des objets artisanaux tels que les carillons ou les santons, fortement inspirés de l’iconographie régionale.

Cliché ou réalité : un son omniprésent

Oui, les cigales chantent bel et bien en Provence. Mais ce chant, bien qu’associé à des zones typiquement méditerranéennes, ne résonne pas partout avec la même intensité. Les cigales privilégient les terres arides et ensoleillées. Leur présence s’explique donc par la combinaison idéale du climat, de la végétation caractéristique (pins, garrigue…) et des sols secs de la Provence. Une véritable harmonie entre l’insecte et son environnement naturel.

Saviez-vous que le chant des cigales est étroitement lié à leur cycle biologique ? Ces insectes mènent une existence surprenante, à la fois brève et lente.

• Les cigales passent la majorité de leur vie sous terre, en tant que larves, où elles se nourrissent de la sève des racines d’arbres. Ce stade peut durer entre 2 et 5 ans, parfois plus selon les espèces.
• Lorsqu’elles émergent enfin à la surface, c’est pour poursuivre leur développement et entamer leur phase adulte. Pendant cette brève période - souvent pas plus de quelques semaines - leur priorité est la reproduction.
• Ce passage éclair en plein air est marqué par leur intense activité sonore, véritable rituel d’accouplement. Une fois leur mission accomplie, les cigales succombent, laissant la place à leurs descendants restés sous terre.

Un insecte éphémère et pourtant si intensément présent dans nos étés, illustrant, en quelque sorte, la fugacité des moments de bonheur.

En Provence, les cigales ne sont pas uniquement des muses sonores ; elles forment un maillon essentiel de l’écosystème local. En se nourrissant de sève sous terre, elles participent à l’aération et l’enrichissement des sols. Une fois adultes et mourant en surface, leurs corps nourrissent divers prédateurs, parmi lesquels des oiseaux ou des lézards. Cette circularité illustre leur importance au sein de la faune provençale.

De plus, les cigales jouent un rôle indirect mais crucial dans le tissu vivant local en attirant les curieux. Leur présence renforce le sentiment d’unicité de la Provence, contribuant à sensibiliser les visiteurs et les habitants à la richesse écologique de la région.

Outre son chant bien réel, la cigale possède ce don de naviguer entre la nature et le mythe. Ce petit insecte a inspiré poètes, peintres et artisans au fil des siècles. Qui ne connaît pas l’œuvre universelle de Jean de La Fontaine, La Cigale et la Fourmi ? Cette fable, bien que critiquant la cigale insouciante, en a popularisé la figure bien au-delà du sud de la France.

En Provence, les cigales ornent les céramiques, les textiles et les souvenirs. Elles symbolisent la chaleur de la vie méridionale, un art de vivre où chaque instant se savoure lentement, bercé par les rythmes simples de la nature.

Si le chant des cigales reste indissociable de la Provence, il est aujourd’hui menacé. La transformation des paysages, l’urbanisation galopante et les conditions climatiques de plus en plus imprévisibles fragilisent leurs habitats naturels. Préserver cet emblème sonore passe par la protection des forêts de pins, des garrigues et des terres ensoleillées si caractéristiques de la région. Entendre ces fidèles musiciennes chaque été est un privilège que les générations futures méritent également d’apprécier.

Le chant des cigales est bien plus qu’un bruit d’arrière-plan : c’est une bande-son qui raconte la Provence dans toute sa splendeur. Il évoque à la fois les chaleurs étouffantes, les étés insouciants, un lien profond avec la terre et un patrimoine vivant qui fait vibrer nos coeurs. Incessant mais jamais monotone, ce chant est comme la Provence elle-même : authentique, captivant et inoubliable. Alors, la prochaine fois que vous entendrez une cigale chanter, fermez les yeux et savourez l’instant : c’est tout un coin de paradis provençal qui vient à vous.